Groupe D - Folle Déambulation [Scénario 1]

S’engager est une chose dangereuse. Il y a la chance, inespérée, qui nous pousse à mettre en jeu notre parole, à gagner. Mais le revers de la médaille perdure : le risque d’une perte bien plus importante que ce qu’on a mis en jeu peut survenir dans un engagement.

C’était d’ailleurs pour cette raison que Kalyne regrettait, depuis la première seconde où elle avait ajouté la dernière courbe douce et enfantine de son « r », à Kalyne McGregor, en s’inscrivant pour ce stupide défi du Labyrinthe. Elle n’avait pourtant rien à prouver à personne, mais son geste compulsif semblait avoir apporté la preuve du contraire : Kalyne avait des choses à montrer, une ténacité qu’elle ne possédait pas à afficher. L’idée, dans son esprit, de laisser passer une telle chance avait été exclue, si bien que la perspective avait ôté de sa perception l’autre possibilité : le risque dangereuse et considérable d’un accident ou, pis, d’une déception amoureuse. Car, oui, il ne s’agissait que de cela ; la Hufflepuff qui suivait, aveuglément, le bourreau dont elle était tombée sous le charme. Kalyne suivant Tobias, même au cœur d’un danger pour lequel elle n’avait, sûrement pas, les capacités.

Il faut aussi dire que la jeune blonde avait une tendance très forte à se déprécier et qu’en conséquent, elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle valait … Du moins de ce qu’elle valait lorsqu’elle ne décidait pas de faire tout son show. Une véritable artiste, brisée avant l’heure, sur qui les projecteurs ne se braquaient que pour révéler des moments de tristesse infinis – une pire tragédie que celles de la Grèce antique. Cette angoisse perpétuelle alimentait son propre malheur : elle n’égalait à rien de bon et décevait, se décevait. Périssait. S’affaissait sur elle-même. Comme un cœur capable de battre grâce au son de ses propres palpitations, elle rythmait sa vie sur ce qu’elle connaissait déjà, sans briser le cercle, vicieux, de sa misérable existence.

Toute cette angoisse perpétuelle était traduite avec force en cet instant, alors que s’ajoutait au reste la possibilité d’être blessée ou d’handicaper Tobias. En attendant que le Labyrinthe ne s’ouvre à nouveaux, pour eux, Kalyne se balançait d’un pied sur l’autre, faisant brusquement quelques pas dans une direction ou une autre, sans aucun but. S’arrêtait, tordait ses doigts entre eux ou fourrageait de manière compulsive dans ses cheveux dorés pour s’occuper les mains. Une vraie petite boule de nerfs, incapable de patienter face à l’horreur imminente. De temps à autre, elle jetait un regard automatique et aveugle sur Tobias, Belle ou Loreley, sans les voir mais en s’assurant néanmoins, de façon inconsciente, de leur présence. Le fait de ne pas être seule – mais d’être, évidemment, mal accompagnée – la rassurait, quoi que lui en coûte la présence qui l’encadrait.

En ce moment, Kalyne se sentait plus Hufflepuff que quoique ce soit d’autre, comme si toute son identité s’était réduite à ce simple état de fait.


Lorsque le signal retentit et que la splendide brune prit les devant, Kalyne suivit, comme un automate, la vélane et traversa sans se retourner l’entrée qui, elle le savait, les aspirerait tous les quatre dans des Ténèbres malveillantes. Et bien que, à proprement parler, la Jaune & Noir n’aie jamais été la personne la plus peureuse, l’arrivée dans cet univers obscur de dédales interminables et de cul-de-sac lui procura une nouvelle vague d’angoisse, qui précipita son geste magique ; il n’y avait rien de plus automatique que de lancer un sort, pour une sorcière.

KALYNE –« Lumos Maxima. »

Aussitôt, les autres la suivirent dans son geste. Elle ne répliqua rien mais leur en fut silencieusement reconnaissante. Presque simultanément, Belle Doyle prit la parole. Elle déplut sur le champ à Kalyne, qui vit en elle une demoiselle suffisante et arrogante. L’idée de recevoir des ordres ne déplaisait pas à la Hufflepuff, mais elle était seule maître de savoir si elle acceptait de les recevoir ou non et le ton catégorique de la somptueuse Slytherin ne lui plaisait, définitivement, pas.

L’ultimatum qu’elle posa à l’équipe fit rigoler Kalyne. Pas d’un rire discret et moqueur, comme beaucoup d’élèves des Verts & Argent le faisaient entre eux. Mais plutôt d’un rire léger et amusé. Cette présomptueuse pensait vraiment qu’il suffisait de se mettre en tête de peloton et de commander à tout le monde pour que, Badaboum, elle soit celle qui décide ? C’était mal connaître ses aînés et, surtout, mal connaître Kalyne. L’angoisse matérialisée dans sa gorge par une boule imposante et presque étouffante tomba avec langueur dans son estomac et mua sa terreur passive en colère et en rébellion. La jeune McGregor était si … Lunatique.

Quant elle s’éloigna, la Jaune & Noir émit un petit son agacé en faisant claquer sa langue sur son palais. Elle observa ses deux autres coéquipiers, partagée entre ce que lui dictait sa conscience et la toute nouvelle, mais violente, apathie qu’elle ressentait pour le brune. Soupirant profondément, consciente d’être faible parmi les forts, elle se tourna vers le couloir de verdure que la demoiselle avait emprunté et, soupirant encore, elle projeta tout son corps vers l’avant, dans un rythme lent qui démontrait clairement que l’idée de suivre la petite peste ne lui plaisait pas. Mais : avait-elle le choix ? Kalyne avait une droiture d’esprit qui contrastait avec son malheur de Drama Queen et qui l’obligeait à ne pas laisser seule une personne en danger. En plus du reste, serait-elle prise du syndrome du Héros ? Peut-être. Car, après tout, c’était une caractéristique qui seyait plutôt bien aux vedettes tragiques.

Au petit trot, elle rejoignit la bifurcation qu’avait prise la brune. Franchement, il n’existait pas de pire idée que celle de s’aventurer seule, soi-disant en éclaireur pour observer un endroit mortel. En tournant, elle avisa la demoiselle au sol, un rayon sortant de sa baguette et agressant à son tour la racine qui l’avait agressée. Kalyne, interdite, avança vers la Slytherin en se faisant la réflexion que cette poupée de glace n’avait même pas poussé un cri, un hoquet, un n’importe quoi qui aurait signifié la surprise. Elle tendit une main à la jeune femme qui l’accepta et ainsi se redressa. Tout cela était vraiment étrange. Elles n’avaient pas encore lâché leurs mains jointes que Kalyne lui sourit, pas méchamment, mais avec une forme d’avertissement sous-jacent.

KALYNE –« Finalement, le plan solo n’est peut-être pas la plus brillante idée que tu puisse avoir. Tu devrais envisager de … »

Sa phrase s’interrompit dans un haut hurlement aigu tandis qu’une douleur vive transperçait son mollet et qu’une force soudaine la tirait vers l’arrière. Elle n’eût pas besoin de regarder pour savoir – elle le sentait partout sur son corps. Des ronces aux aiguilles fines et pointues, mais petites, entouraient son corps et l’attiraient vers l’arrière, dans les haies immenses et presque vivantes. Son regard, reflet de l’horreur, avisa Belle pour constater que la demoiselle était en proie au même mal. Le Labyrinthe lui-même les attaquait. Un liquide chaud et poisseux coulait sur la cheville de la demoiselle et elle geint de douleur en considérant que l’une des branches avait, sans l’ombre d’un doute, transpercé son mollet.

Accrochant sa main aussi fort que possible à celle de Belle, attirée de l’autre côté, elle décida de mettre son orgueil de côté et hurla la première chose qui lui passa par la tête – chose absurde et humiliante. Mais y avait-il le choix ?

KALYNE –« Tobias ! »

Se faisant, elle lança une salve de sorts sur les branches qui résistèrent. Renonçant, elle pointa sa baguette sur les ronces qui enserraient la sublime vélane, les écorchant toutes deux. Elle se concentra, cherchant de toutes ses forces un sort suffisamment puissant pour aider la brune. Kalyne avait le pressentiment que la Slytherin serait plus profitable au groupe qu’elle-même.

KALYNE –« Sectusempra! »

Elle hurla son sort, pensant de toutes ses forces aux branches mouvantes afin de ne pas toucher la brune. Le sort heurta les végétaux furieux qui lâchèrent la brune et la pression qui avait lieu, à force égales, entre le corps de Kalyne et de Belle se brisa, faisant pousser un glapissement étonné à la blonde, et Kalyne fut attirée violemment sur la haie, dont les feuilles se mirent à engloutir ses membres, lentement.